mercredi 24 novembre 2010

Pheromone - Disparlure

Jean-Luc Guionnet: chiftelia, cithara, metal sheet, bow, wooden sticks, contact mics
Eric Cordier: hurdy-gurdy, electroni treatments
Pascal Battus: guitar

Eric Cordier et Jean-Luc Guionnet nous ont donné à entendre quelques unes des propositions expérimentales les plus intéressantes de ces dernières années, avec " Tore " paru sur Shambala et Synapses sur le label Selektion. Aujourd’hui Corpus Hermeticum sort le disque de PHEROMONE, trio avec Eric Cordier (vielle à roue et traitement électronique) et Jean-Luc Guionnet (citera, chiftelia, bois, métal et micros contact), auxquels s’est joint Pascal Battus (guitare environnée). Trio d’improvisation définitivement sorti de l’approche old school, sans pour autant sacrifier à la tendance minimaliste actuelle. Comme la plupart des disques parus sur Corpus H. celui-ci est traversé par l’énergie du rock. Pour PHEROMONE le petit Robert donne cette définition en biologie : sécrétion externe produite par un organisme, qui stimule une réponse physiologique ou comportementale chez un autre membre de la même espèce. L’ improvisation jouée comme réponse à une stimulation sonore de l’autre. Ce qui semble dire qu’il n’y a pas de réponses imaginaires mais seulement antérieures (de l’ordre du réflexe, codifiée). Ce qui pourrait être une remise en cause (ou tout au moins un doute émis à propos) du caractère déclaré libertaire de l’improvisation ou des musiques improvisées, une façon de dire qu’elles comportent un caractère idiomatique, un déterminisme culturel ? Mais il resterait du désir, du collectif, de la circulation, de l ’échange, de l’un à l’autre, l’improvisation comme érotique. Longue pièce enregistrée par Eric La Casa et Pierre-Henri Thiebaut Disparlure ", développe des paysages sonores bruissants, sons éclatés dans l’espace se répondant à la façon de ces phéromones, atteignant une apparente cacophonie de nuit d’été. Les textures sont denses et travaillées de torsions et de déchirures, de brûlures et d’implosions, la matière ne reste jamais inerte, le travail incessant. Disque de grincements, de matières ferrugineuses, lourdes, très denses. On y entend quelque chose de l’ordre de l’animalité, un peu à la façon d’une nourriture que se disputeraient des coléoptères voraces, déchiquetant, amputant, déchirant cette masse sonique. L’intérêt pour les sources sonores (de la guitare environnée ou de la vielle à roue) disparaît, semble secondaire, une belle confusion règne là, riche et non maigre, mais pourtant coupante, dangereuse. Les mains tremblent, cherchent, fouillent dans la matière à la recherche de ce son d’or qui fascine tant Charlemagne Palestine, mais ici comme pris dans le déchet, le rebus de la chose musicale. Quête alchimique de la merdre en or. Disparlure ", un bégaiement à la Christian Prigent, il y a de l’anamorphose dans la musique du trio, une torsion du musical dans le bruit monstrueux, comme une mise en vibration du réel. Prigent parlant de l’anamorphose en dit : " Son intérêt réside dans ce geste symptomatique, qui désavoue implicitement la réalité que serait censée figurer la représentation codée " . Est-ce de la musique (cette grande écriture codée des sons d’une société à un certain stade de son développement) ou plus simplement un moment de vie, du temps parlé ? Après le trio Noetinger / Marchetti / Werchowski, Bruce Russell continue d’ ouvrir son label aux expériences de l’improvisation de la vieille Europe, sortant la musique de l’impérialisme culturel anglo-saxon. Il y aurait un autre monde ?

MICHEL HENRITZI

1998 DISPARLURE (Corpus Hermeticum) rapidshare/mediafire

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